Introduction
L'expression « perturbateur endocrinien » est apparue formellement aux États-Unis en 1991 lors d'un colloque organisé dans l'État du Wisconsin [1]. Des scientifiques américains attiraient l'attention sur le fait qu'un grand nombre de substances chimiques naturelles ou produites par l'homme et disséminées dans l'environnement possèdent la capacité de perturber le système endocrinien de nombreuses espèces animales, y compris l'espèce humaine. Que savions-nous alors à ce sujet ?
Parallèlement à l'avancée de ces perturbateurs endocriniens, on assiste depuis la moitié du 20ème siècle à une très forte augmentation des cancers, des pathologies immuno‐allergiques et des désordres métaboliques qui vont de la pathologie cardiovasculaire aux troubles de la reproduction.
Depuis quelques années, le sujet des perturbateurs endocriniens fait polémique et divise tant au niveau de la classe politique, que de la communauté scientifique ou de la population en générale. Ces substances sont utilisées dans de nombreux domaines comme l'alimentaire, la cosmétique, le textile ou le chimique, et on les retrouve dans la faune, la flore, l'air, l'eau, les sols et sédiments.
Sur internet beaucoup d'articles parlent de la présence des perturbateurs endocriniens dans les produits d'hygiène-beauté, pourtant, leur identification et la réglementation les concernant n'est pas clairement établies. Ces articles sont basés, la plupart du temps, sur des études portant sur la composition des produits : « Près de 40 % des produits d'hygiène-beauté contiennent au moins un perturbateur endocrinien [2] substance chimique interférant avec la régulation hormonale, d'après une étude rendue publique vendredi 13 septembre à Paris. Selon cette enquête réalisée sur une base de 15 000 produits de beauté-hygiène par Noteo Institut en partenariat avec le Réseau environnement santé [3], les vernis à ongles arrivent en tête (74 % d'entre eux contiennent au moins un PE) devant les fonds de teint (71 %), les produits de maquillage pour les yeux (51 %), les démaquillants (43 %), les rouges à lèvres (40 %), les soins du visage (38 %), les déodorants (36 %), les dentifrices (30 %) et les shampoings (24 %).»
«Parmi les perturbateurs endocriniens les plus fréquemment utilisés dans les produits d'hygiène-beauté, figurent les parabènes (23 %) et le cyclopentasiloxane (15 %), le triclosan n'étant présent que dans 1,3 % des produits. "On trouve souvent plusieurs de ces substances dans un même produit" souligne Baptiste Marty, le président-fondateur de Noteo, qui appelle le gouvernement à interdire leur usage dans les produits du quotidien. » [4].
1. Système Endocrinien
Afin de bien comprendre le fonctionnement des PEs il est nécessaire de comprendre le fonctionnement des hormones et du système endocrinien. Le système endocrinien, est l'un des 2 systèmes de régulation de l'organisme. Il désigne un réseau dense complexe de communications entre différents tissus grâce à des glandes endocrines réparties au travers de l'organisme [5-6]. On en dénombre 7 différentes chez l'Homme :
Ces glandes possèdent la fonction de sécrétion d'hormones. Une hormone est une substance d'origine chimique qui est sécrétée dans le sang. Elle va agir à distance, sur des récepteurs spécifiques de cellules hôtes, qui extrait un message, en réponse à une stimulation. Les hormones sont éliminées par voie urinaire.
Les hormones contrôlent des fonctions différentes comme : la croissance, le développement sexuel, la reproduction, la différenciation cellulaire, l'homéostasie, le métabolisme et d'autres encore.
Les hormones sont efficaces à faible dose. Elles peuvent ou accélérer ou ralentir l'activité de la cellule hôte par rapport à l'activité normale.
2. Perturbateurs Endocriniens
Aujourd'hui, la définition qui fait le plus de consensus est celle proposée par l'OMS en 2002 : « Un perturbateur endocrinien potentiel est une substance ou un mélange exogène, possédant des propriétés susceptibles d'induire une perturbation endocrinienne dans un organisme intact, chez ses descendants ou au sein de (sous)-populations. Cette catégorie est divisée en deux sous-catégories : la catégorie 2a pour les perturbateurs endocriniens suspectés et la catégorie 2b pour les substances possédant des indications de propriétés de perturbation endocrinienne» [7].
Le système endocrinien est composé de glandes spécialisées telles que l’hypothalamus, l’hypophyse, la glande pinéale, la thyroïde, les glandes surrénales, le pancréas, les ovaires (chez les femelles) et les testicules (chez les mâles).
Ces glandes sécrètent des hormones – des substances chimiques libérées dans le sang qui agissent à distance sur des cellules cibles pour réguler des fonctions vitales telles que la croissance, la reproduction, le métabolisme, le sommeil et l'équilibre hormonal.
Par exemple, l’hypothalamus relie le système nerveux et endocrinien, la thyroïde régule le métabolisme, le pancréas contrôle la glycémie, et les glandes reproductrices (ovaires ou testicules) influencent la fertilité et la puberté.
Les hormones agissent à très faible dose et peuvent accélérer ou ralentir l’activité des cellules cibles selon les besoins de l’organisme. Elles sont ensuite éliminées principalement par voie urinaire.
Une liste des principales sources de PEs suspectées a pu être établie grâce à la liste SIN (Substitution immédiate nécessaire). Cette liste contient 46 substances, et elle est développée grâce à la collaboration de ChemSec avec les ONG, dont 14 sont utilisées dans le produit cosmétique [8-10] :
| Substance | Utilisation dans les cosmétiques |
|---|---|
| Alkyphenol | Utilisé dans les nettoyants, mousse à raser |
| Polyparabène, Butylparabène | Utilisé comme conservateur |
| 4,4-dihydrobenzophénone, 4-méthylbenzylidène camphor, Ethylhexyle méthoxyciannamate, 3-Benzylidene camphor 6- BC | Utilisé dans les produits solaires en tant que filtre |
| Tert-butylhyxyanisole (BHA) | Utilisé comme antioxydant et conservateur |
| Diéthyle phtalae (DEP), Dihexyle phtalate (DHP) | Fixateur de parfum, solvant, durcissement des vernis |
| Triclosan | Utilisé comme conservateur |
| Triphenyl phosphate (TPHP) | Utilisé dans les vernis à ongles |
3. Effets des Perturbateurs Endocriniens
Il est important de comprendre que l'effet des perturbateurs endocriniens n'est pas forcement immédiat. En général, sauf cas exceptionnel, l'exposition aux PEs se fait à faibles doses. L'estimation est donc compliquée. Mais avec les phénomènes de bioaccumulation on finit par retrouver des quantités importantes de PEs dans l'organisme humain. Par ailleurs, les effets cumulatifs et les effets cocktails sont deux facteurs qui vont multiplier les risques de nocivité des perturbateurs [5].
Effet cumulatif
L'effet cumulatif est défini comme l'exposition d'une personne à une molécule dite perturbatrice à de multiples reprises. Ainsi, la probabilité qu'elle subisse la nocivité de ce PE est d'autant plus importante. La fréquence d'exposition va donc rendre la personne plus vulnérable aux effets engendrés par les PEs.
Effet cocktail
L'effet cocktail est quant à lui défini comme différentes substances reconnues comme PEs, et contenues dans un ou plusieurs produits, ayant des propriétés biologiques qui peuvent interagirent ensemble. Plus leurs interactions seront additives et synergiques, plus le risque d'effet néfaste sera grand.
Dans le cas des cosmétiques, le triclosan est reconnu comme faisant partie des matières premières qui perturbent le système endocrinien. Cette matière est utilisée dans de nombreux produits cosmétiques en tant que conservateur mais aussi comme agent déodorant. De ce fait, on le retrouve dans, des mousses et crème à raser, des gels de toilettes intimes et même des dentifrices.
Cet effet est donc important dans les produits cosmétiques étant donné que plusieurs matières premières sont suspectées d'être des perturbateurs. Dans la suite de cette monographie, nous ne traiterons que des pathologies induites par une exposition par voie cutanée car les produits cosmétiques s'appliquent sur la peau.
Les risques pour la santé à court terme peuvent inclure : des problèmes de santé récurrents tels que la fatigue, la perte d'appétit, les troubles du sommeil, les problèmes de poids, les troubles menstruels et l'impuissance masculine.
Par contre les risques pour la santé à long terme peuvent inclure : des cancers, comme le cancer du sein, le cancer des ovaires, le cancer du col de l'utérus et le cancer des testicules, des problèmes de santé cardiovasculaire, tels que l'hypertension, l'insuffisance cardiaque et les accidents vasculaires cérébraux, des problèmes de santé mentale, comme la dépression, l'anxiété et le trouble d'adaptation, des problèmes de reproduction, tels que l'infertilité, les fausses couches et les naissances prématurées, des problèmes de santé osseuse, tels que l'ostéoporose et les fractures.
Conclusion
Les produits cosmétiques sont souvent critiqués à cause de leur composition et notamment parce qu'ils contiennent des substances perturbateurs pour le système endocrinien. Néanmoins, le problème des perturbateurs endocriniens pourrait venir de l'effet cumulatif et de l'effet cocktail, puisque ces substances sont retrouvées dans de très nombreux objets du quotidien: cosmétique, jouets pour enfant, peintures ... ainsi cette exposition continue pourrait être délétère. Cependant, en l'absence d'outils fiables d'évaluation quantitative et qualitative des perturbateurs endocriniens, il est difficile d'adopter des politiques de prévention et de gestion des risques efficaces et proportionnelles à la nature du danger éventuel, mais plutôt bien choisir ses produits cosmétiques du quotidien.
Il est important de souligner que les perturbations endocriniennes peuvent affecter l'ensemble du corps et entraîner une grande variété de problèmes de santé, ce qui rend crucial de détecter et de traiter ces problèmes de manière appropriée.
Références bibliographiques
- [1]: Statement from the work session on chemically-induced alterations in sexual development: the wildlife/human connection. In: Chemically-induced alterations in sexual and functional development: the wildlife/human connection. Advances in modern environmental toxicology, vol. 21. T. Colborn, C. Clement, editors. Princeton Scientific Publishing Co.: Princeton, NJ; 1992. p. 1–8.
- [2]: Bergman, A., et al., Etat de l'art sur les perturbateurs endocriniens State of the Science of Endocrine Disrupting Chemicals.
- [3]: Anses, Effets sanitaires du bosphénol A. 2011.
- [4]: Le Monde. Les perturbateurs endocriniens présents dans deux produits de beauté sur cinq. 2013; Available from: http://www.lemonde.fr/planete/article/2013/09/13/les-perturbateurs-endocriniens-presents-dans-deux-produits-de-beaute-sur-cinq_3477286_3244.html
- [5]: Planchon, P., Les perturbateurs endocriniens dans les produits de santé. 2014.
- [6]: Huhtaniemi, I. and L. Martini, Endocrinology – Study of the Hormonal Regulation of the Body. Elsevier Inc.
- [7]: ANSES. Perturbateurs endocriniens. 2014; Available from: https://www.anses.fr/fr/content/perturbateurs-endocriniens‐1
- [8]: Loumé, L. Un perturbateur endocrinien dans les vernis à ongles? 2015; Available from: http://www.sciencesetavenir.fr/
sante/dermato/20151026.OBS8300/unperturbateur ‐endocrinien‐dans-les‐vernis-a-ongles.html - [9]: RES Réseau environnement santé. Liste SIN: subsitution immédiate necessaire. 2011; Available from: http://reseau‐environnement‐sante.fr/wpcontent/uploads/2011/05/DP_Liste_SIN.pdf
- [10]: ChemSec, The 32 to leave behind. 2015.
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